Ce samedi 17 mars, ce sont deux acteurs de terrain, totalement imprégnés du contexte palestinien, grâce à leurs différents séjours et reportages réalisés sur place, qui sont venus présenter leur documentaire intitulé : « Femmes palestiniennes en résistance ». Ces deux réalisateurs sont Gérard et Patricia d’ALBERTVILLE, fondateurs de l’association « Jourdain Vallée Solidarité », ayant pour but de mener des actions d’aide et de secours aux populations palestiniennes réfugiées au sein de la Vallée du Jourdain.
Le fruit de deux mois passés en Palestine sous occupation, entre les mois de septembre et novembre 2015, en pleine « Intifida des couteaux ». Période où des Palestiniens ont mené une série d’attaques à l’arme blanche et ce, de manière quasi-quotidienne, à savoir 350 attaques anti-israéliennes à l’aide d’un couteau, d’une machette ou de ciseaux.
Bilan ? Trente-quatre morts du côté israélien et 200 du côté palestinien. Une situation qui témoigne d’un malaise grandissant au sein de la jeunesse palestinienne.
Dans ce contexte d’ « occupation », Gérard et Patricia d’Albertville ont pris le parti d’orienter leur documentaire sur la résistance palestinienne abordée du point de vue des femmes, issues de la vallée du Jourdain et résidant dans différents camps de réfugiés. C’est à elles qu’ils ont voulu donner la parole. Elles que l’on entend peu mais qui, paradoxalement, jouent un rôle fondamental dans la lutte pour la cause palestinienne.
Dans une Palestine où « au sein de chaque famille, un membre familial est en prison », comme l’a rappelé Gérard d’Albertville. Dans ce contexte sociologique, la femme est le pilier de la famille.
« Une vie concentrée sur la violence où les enfants n’ont pas d’espaces de jeu »
Les deux réalisateurs ont sillonné les villes et les villages de Cisjordanie pour faire écho du quotidien de ces femmes et enfants privés de la présence de leur père emprisonné. Des enfants qui baignent dans un contexte de violence quasi permanente. Dans les quelques rares espaces ludiques de Cisjordanie, le reportage montre des enfants palestiniens chassés par d’autres enfants israéliens qui sont défendus par leurs parents, eux-mêmes escortés par des militaires israéliens.
Des familles palestiniennes saccagées par la violence de l’occupation, mais aussi et surtout, des familles disloquées par la violence de ces hommes palestiniens qui ressortent de prison dans un état psychologique lamentable. Des traumatismes vécus en prison, découle de la violence sexuelle au sein des couples, de la violence tout court au sein des ménages, sans parler des dégâts affectifs répercutés sur les enfants.
La moindre ébauche de construction, telle qu’une ferme, est systématiquement détruite par l’armée israélienne. Ce qui n’a pas empêché la mise sur pieds de cette exploitation 100% bio mise en avant par les deux réalisateurs. Pour ce qui est des soins de santé, à titre d’exemple, l’hôpital le plus proche est à une vingtaine de kilomètres de là où réside une palestinienne qui témoigne.
Gérard et Patricia d’Albertville ont su capter cette vive émotion de femmes palestiniennes qui tantôt ont passé 8 années en prison, tantôt attendent la sortie de prison de leur mari, mais qui surtout ne demandent qu’à être libres, qu’à voir l’occupation cesser : « On veut rentrer chez nous », répètent-elles, les larmes aux yeux. « On veut revoir notre pays, notre village natal », ajoutent-elles. « On veut juste être libres ».
La projection du documentaire a suscité des questions et des réflexions émanant de l’audience présente au sein du Centre culturel arabe en Pays de Liège. L’occasion pour Patricia d’Albertville de rappeler qu’aujourd’hui : « 300 enfants sont kidnappés et emprisonnés par les autorités israéliennes, 6200 hommes sont emprisonnés, dont 600 sont en détention administrative. Ce qui signifie qu’ils sont mis en prison sans motif annoncé et une soixantaine de femmes sont également derrière les barreaux. »
État d’une vie politique intérieure palestinienne moribonde
D’un point de vue strictement lié à la politique intérieure, en Palestine, « au niveau du conseil législatif, les trois-quarts des députés palestiniens sont emprisonnés. Par conséquent, il n’y a plus de parlement », a souligné Gérard d’Albertville. Une situation qui a engendré une Palestine sans conseil législatif, étant donné que le quorum ne peut être atteint.
Toujours au rayon de la politique intérieure, « Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne se rend bien compte que les accords d’Oslo prévoyant la configuration d’un État palestinien avec les frontières de 67 et avec Jérusalem comme capitale, n’est plus possible. Bref, il réalise que les accords d’Oslo ne sont qu’une duperie. Il y a désormais la conscience qu’il faut passer à autre chose ».
En termes de politique internationale, « Israël gagne en confisquant un pays », estime le réalisateur, « même s’il y a une chose que les autorités israéliennes ne parviennent pas à détruire, à savoir : le sentiment d’appartenance des Palestiniens ».
Antonio Calarco